Signe particulier endurance
Juillet 1956. Nous sommes à Vence, cité dite « des arts et des fleurs », située dans le moyen pays niçois, au pied des Baous. Là où mourut D. H. Lawrence en 1930, terrassé par la tuberculose. L’air y est exceptionnellement bon et tonique. Les sanatoriums y fleurissent comme des mimosas.
En plein baby-boom, la face cachée des outsiders de la littérature de l’après-guerre vient se faire soigner les poumons sous les cieux cléments de la petite cité médiévale. Si certains comme Raymond Guérin n’auront pas les temps de rejoindre Vence comme prévu, on croise ici les ombres d’Henri Calet, Paul Gadenne ou Albert Paraz (le paria immergé dans la réhabilitation de Louis-Ferdinand Céline), tandis que d’autres – plus chanceux – ne sont là qu’en villégiature (Paulhan, venu se reposer chez Dubuffet, ou Prévert). On côtoie tout autant Henri Salvador et Blaise Cendrars que l’anarchiste Louis Lecoin ou Célestin Freinet en conflit avec la municipalité pour faire admettre sa pédagogie. Ou encore Alphonse Boudard, Chagall, Delteil, Sylvia Plath, Gombrowicz et Henry Miller, en quête d’une maison. Loin des turbulences de la peau du monde, la petite ville de Vence s’apparente à une mini-opérette de la fièvre, scandée par de répétitifs « Hôpital Silence ». Une cure en viager pour certains, même si le soir venu il se passe d’étranges choses dans cet univers de réclusion. Cette armée des ombres, voûtée, ployée sous la toux, est vue par Aurélien, un adolescent en totale rupture familiale. La fréquentation de ces êtres séquestrés, célèbres ou non, désemparés dans leur chair, touchés par le charme délétère de Vence, l’aidera à commencer son métier d’homme.