Nouvelle Histoire de Mouchette
Mouchette, 14 ans, fille d’ivrognes misérables, est une adolescente taciturne et solitaire mais éprise de pureté. Un soir d’orage, elle s’égare dans les bois. Elle rencontre un braconnier bien connu dans le pays, le bel Arsène, qui la mène dans sa cache et lui raconte une histoire de meurtre plus ou moins crédible sur la personne du gardechasse.
Mouchette reçoit comme une grâce cet aveu : pour la première fois, un être s’est livré à elle. Mais celui-ci la déflore, sans violence particulière. Elle rentre chez elle au petit matin : le père et les frères qui traficotent ne sont pas encore là. Sa mère malade vit ses dernières heures d’agonie et meurt, enivrée d’une dernière lampée de genièvre. Le lendemain, cette mort fait planer sur le village une sorte de temps sacré. Mouchette n’en doit pas moins vaquer aux occupations quotidiennes. Elle va à l’épicerie, chez le garde-chasse (Arsène finalement ne l’a pas tué), puis chez une vieille demoiselle qui s’occupe toujours des enterrements dans la commune. Celle-ci lui donne un drap pour le linceul et un châle magnifique. En ces trois occasions, Mouchette finit par insulter ceux qui ont fait mine de s’occuper d’elle. La dernière scène, quatrième partie du livre, montre son suicide dans une mare solitaire. Mouchette a été trompée, vaincue par le mensonge et la fatalité.
Robert Bresson a tiré de ce roman de la condition humaine un film exemplaire (Mouchette, 1967), surtout pour les dernières pages. Mais le style de Bernanos atteint ici des zones souterraines qu’il serait vain de référer à la seule psychologie. Et c’est là que son livre est unique (même s’il doit beaucoup à Dostoïevski, par exemple). La pensée de Mouchette, sauvage, révoltée, en vient à peine à la parole – ensemble de dégoûts et de sensations que domine pourtant le plus bel orgueil et qui laisse parfois filtrer le chant le plus pur. À lire cette Nouvelle Histoire de Mouchette, on touche sans doute d’un peu plus près ce que l’on osera encore appeler, si démunie soit-elle, une âme.
« Dès les premières pages de ce récit le nom familier de Mouchette s’est imposé à moi si naturellement qu’il m’a été dès lors impossible de le changer. La Mouchette de la Nouvelle Histoire n’a de commun avec celle du Soleil de Satan que la même tragique solitude où je les ai vues toutes deux vivre et mourir. »
Georges Bernanos