Love
Love est le premier groupe multiracial américain, mené par des amis d’enfance grandis dans le voisinage, auteur d’un disque culte, Forever Change (1967). Ce disque n’eut pas le succès espéré sur le coup, mais ce mélange de folk américain et de mélancolie mexicaine a résisté au temps. Avant tout, ce livre est le portrait d’un homme, le leader et fondateur de Love,
Arthur Lee, fils d’un prof et d’un trompettiste raté. Par son tempérament contradictoire, suicidaire, violent, passionné, à cause de ses hésitations, il n’aura jamais réussi à faire fructifier une carrière prometteuse, et un talent hors norme.
Sa biographie fait suite à la série de portraits que l’auteur consacre depuis une vingtaine d’années à la musique américaine du XXe siècle, celle qui a imprégné notre conscience dans sa mode, son écriture, son ambition…
Le livre se situe dans la même lignée que le doux amer Nashville Chrome de l’Américain Rick Bass, sorti chez Christian Bourgois, qui raconte le succès fulgurant et éphémère d’un groupe de country américain des années 1950 dont les Beatles étaient fans, les Browns. « Toute personne aura son quart d’heure de gloire », a dit Andy Wharol. Les Browns l’ont eu, Brian Jones l’a eu, mais Arthur Lee ne l’a jamais vraiment eu, sinon post mortem. Il a couru après toute sa vie, armé de son flingue, oscillant entre trois voies possibles : devenir un meurtrier, se suicider ou réussir dans la musique.
Love, comme Nasvhille Chrome, parle du temps qui passe, de l’amour, de l’espoir et de la déception, de la confrontation entre des rêveurs absolus et un pays secoué par différentes crises morales (guerre du Vietnam, racisme, assassinats politiques…). C’est surtout, pour paraphraser l’un des grands
romans de Maupassant, Une vie.
Et pour finir, si l’on devait résumer le projet de l’ouvrage, on convoquerait notre romancière du XIXe siècle, George Sand qui, dans Consuelo, en a donné la meilleure définition : « On a dit avec raison que le but de la musique, c’était l’émotion. Aucun autre art ne réveillera d’une manière aussi sublime le sentiment humain dans les entrailles de l’homme ; aucun autre art ne peindra aux yeux de l’âme, et les splendeurs de la nature, et les délices de la contemplation, et le caractère des peuples, et le tumulte de leurs passions, et les langueurs de leurs souffrances. »