La lecture est une amitié
Être préfacé par Marcel Proust (1871-1922), c’est s’exposer à « la douche écossaise de ses flatteries et de ses mots cinglants ». Jacques-Émile Blanche se remit d’ailleurs mal de celle que son ami consentit à ses Propos de peintre. Car son souci n’est pas tant de présenter un ouvrage que de s’en nourrir, voire de l’enrichir. Que vaudrait un livre dont le lecteur ne pourrait s’affranchir ?
En vérité, c’est toujours plus ou moins lui-même que regardent les préfaces de Proust. Traducteur de John Ruskin, qui eut tant d’influence sur lui, il ne craint pas de le contredire dans les présentations qu’il en donne. Quant à Paul Morand, il n’oubliera pas les cuisantes « remarques sur le style » déposées par son aîné au seuil de Tendres Stocks. C’est que les devoirs de l’amitié n’excluent jamais pour lui les exigences de l’art.
Chacune des préfaces de Proust forme ainsi une œuvre en soi, où s’élaborent les grandes idées de la Recherche. « Sur la lecture » en est comme le préambule – et compte parmi les plus belles pages de l’auteur. Ici rassemblés pour la première fois, ces cinq préliminaires donnent à lire le moins snob, le plus honnête – et parfois le plus drôle – des écrivains de son temps.
Sommaire
Les devoirs de l’amitié, par Olivier Philipponnat
Sur la lecture, préface à Sésame et les Lys, de John Ruskin
Préface à La Bible d’Amiens, de John Ruskin
Préface à Au royaume du bistouri, de Rita de Maugny
Préface à Tendres Stocks, de Paul Morand
Préface à De David à Degas, de Jacques-Émile Blanche
Marcel Proust (1871-1922), écrivain français. Issu d’une famille bourgeoise qui manifestait une extrème curiosité intellectuelle, Proust se lia vite avec des jeunes gens férus de littérature et publia divers essais dans des revues, insérant ses poésie dans Les Plaisirs et les Jours. Il entama un roman autobiographique Jean Santeuil et traduisit les oeuvres de Ruskin. Adoptant la vision de l’univers esthétique anglais, Proust s’efforça d’échapper à la loi du temps pour tenter, par l’art, de saisir l’essence d’une réalité enfouie dans l’inconscient et « recréée par notre pensée ».