Journal de la lumière et journal de l’ombre
« On croit s’avancer dans l’évidence et on se retrouve dans l’inconnu », écrit Bernard Noël dans sa préface à Journal de la lumière & journal de l’ombre. Cette phrase est certainement la clé d’un livre qui s’emploie à déjouer la logique des lumières et des ombres, qui sont nos doubles, nos complices ou nos impostures. Le sentier emprunté est celui d’une forme à deux modules : de brefs tercets y alternent avec des proses, le tout entrecoupé de fables, de chansons qui s’accordent différemment au fil conducteur et constituent ainsi des incursions dans l’absurde. Pourquoi un journal ? C’est que la lumière n’est pas un élément immatériel : elle a la langue bien pendue, comme Schéhérazade, et ne cesse de raconter son mode de vie et ses tribulations. Le poète en fait l’inventaire. Comme il procède à celui de l’ombre haut parlante qui exerce un dur métier : être et ne pas être. Ce qui circule entre ces deux faces, l’utopie, l’entropie, et leurs incessantes mutations, c’est le flux à vif de l’humour. Il déplace les notions communes en y provoquant des télescopages qui font chavirer l’ordre du visible. Dans l’oeuvre du poète Charles Dobzynski s’inscrit ici un embranchement inattendu de son « arbre d’identité », « jamais cet abîme au-dessous des ailes qu’on s’invente ».
Charles Dobzynski est né en 1929 à Varsovie d’où ses parents émigrent à Paris en 1930. Études interrompues par la guerre et la clandestinité. Il a 20 ans lorsque Paul Éluard présente ses premiers poèmes dans Les Lettres françaises. Certains de ses textes seront préfacés par Elsa Triolet (Notre amour est pour demain) et Aragon (Une tempête d’espoir). Il devient en
1954 chroniqueur cinéma (sous le pseudonyme de Michel Capdenac)
aux Lettres françaises. En 1972, il est secrétaire, puis rédacteur en chef de la revue Europe.
Son Anthologie de poésie Yiddish (Gallimard) a connu trois éditions, dépassant les 20 000 exemplaires vendus. Il est par ailleurs l’auteur d’une quarantaine de livres (poésie, essais, romans, nouvelles) dont Un four à brûler le réel (Orizon), La Mort, à vif (L’Amourier), La Surprise du lieu (La Différence), Journal alternatif (Dumerchez),La Vie est un orchestre (Belfond) et L’Opéra de l’espace (Gallimard).
Charles Dobzynski a reçu le prix Max-Jacob en 1992, le Goncourt de la poésie en 2005 pour l’ensemble de son oeuvre, ainsi que le Grand Prix SGDL de poésie en 2012.